Secrets familiaux au large de la Crète
Une jeune Anglaise met au jour les secrets dramatiques de l’histoire familiale.
Par Delphine Peras (Lire), publié le
Un livre-phénomène, selon son éditeur français, Les Escales, petite maison fondée en janvier dernier, dont le mot d’ordre est de conjuguer littérature et horizons lointains : “traduit dans vingt-cinq pays, vendu à plus de deux millions d’exemplaires” depuis sa parution en 2005, L’Ile des oubliés a également fait l’objet d’une série télévisée très populaire en Grèce. Joli coup pour ce premier roman de l’Anglaise Victoria Hislop, diplômée d’Oxford, dont l’action se déroule essentiellement au large de la Crète mais en marge des sentiers touristiques battus.
De fait, c’est un scénario peu banal qui nous embarque du côté de Spinalonga, petite île méconnue, aujourd’hui inhabitée mais toujours dominée par son énorme forteresse vénitienne du XVIe siècle, qui fut notamment la dernière léproserie d’Europe : c’est là que, de 1903 à 1957, ont été parqués plusieurs centaines de pestiférés, “le village des morts-vivants”, comme le découvre l’héroïne du roman, Alexis, 25 ans, en cet été 2001. Anglaise par son père, grecque par sa mère, cette jeune étudiante en archéologie n’a pas fait le voyage depuis Londres par amour des vieilles pierres. Une autre sorte de passé l’intéresse : celui de sa mère, Sophia, qui, à l’âge de 18 ans, a quitté son village natal de Plaka, situé à deux heures à l’est d’Héraklion, juste en face de l’île de Spinalonga. Pourquoi n’y est-elle jamais retournée depuis son mariage avec le très britannique Marcus, rencontré à Athènes, qu’elle a suivi en Angleterre ? Pourquoi Sophia a-t-elle gardé le secret pendant si longtemps sur ses origines ? Le sang qui coule dans ses veines est-il “le sang de lépreux, d’adultères, de meurtriers” ? Qui étaient ses véritables parents ? Et sa grand-mère, Eleni, a-t-elle vraiment péri de la lèpre sur cette “île des oubliés” ?
Autant de questions qui taraudent Alexis et dont les réponses vont mettre au jour le destin dramatique de trois générations de femmes à partir de 1939. “Ce n’est pas une histoire à écouter le soir, avant d’aller se coucher”, lui confie d’emblée Fotini, une amie de sa mère qui l’accueille à Plaka. Mais c’est une histoire passionnante, émouvante, aux accents tragiques dans un décor idyllique. Certes, le style est un peu plat et verse parfois dans le mélo. Mais le fatum grec prend ici tout son sens et le suspense est au rendez-vous.