Les états d’art de Victoria Hislop

Depuis son premier roman, « L’île des oubliés », vendu à plus de deux millions d’exemplaires à travers le monde, elle est à la littérature britannique ce que son compatriote Ken Loach est au cinéma. Férue d’histoire, la romancière revient avec «Une dernière danse» son troisième récit, sur fond de guerre civile espagnole.

Propos recueillis par Fanny del Volta pour Point de Vue

france-2Je vis entre la Grande-Bretagne et la Grèce, où je donne beaucoup de conférences. Aujourd’hui, je parle le grec au point d’en avoir oublié le français que j’ai appris dans ma jeunesse. Cela fait trente ans que je suis tombée amoureuse de cette terre. J’ai une maison en Crète, où je passe le plus clair de l’été. Là-bas, je nage plusieurs fois par jour. Puis je me plonge dans des recherches occasionnées par les divers voyages que je fais dans la région. Bien sûr, je lis aussi beaucoup de romans que je n’ai guère le temps d’ouvrir lorsque je suis à Londres. Prochainement, j’emmènerai avec moi le der­nier William Boyd. C’était mon ancien professeur de littéra­ture à Oxford. Nous sommes devenus amis, et j’ai l’habitude de lire chacun de ses ouvrages. Il vient de signer Solo, une nou­velle aventure de James Bond. Parfait pour mes vacances !

Le Festival de flamenco de Londres, qui se déroule chaque année sur la scène du Sadler’s Wells, est l’un de mes rendez-vous préférés. Il s’étire sur trois semaines et permet d’applaudir de grands noms de la danse et de la guitare, comme Sara Baras ou Miguel Poveda. Cet événement est si populaire à pré­sent qu’il faut réserver ses billets bien à l’avance si l’on veut y assister. Les musiques traditionnelles me plaisent. Elles sont une façon de s’imprégner de l’atmosphère d’un pays. Pour mon der­nier roman, je n’ai cessé d’en écouter. Cette danse passionnée et libre me parle bien plus que le classique.

Lorsqu’un film me plaît, je n’hésite pas à le revoir. La Grande Bellezza, de Paolo Sorrentino, n’a pas fait exception. Ce film est un vrai festin pour les yeux. D’une manière générale, j’aime le cinéma quand il n’a rien d’holly­woodien. Les happy end, très peu pour moi. Je suis plutôt du genre à aimer La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, ou Melancholia, de Lars von Trier. Deux chefs-d’œuvre.

J’habite en plein South Kensington, à Londres. Ce quartier regorge de musées. J’aime, par-dessus tout, les expositions d’art contemporain. À la galerie Serpentine, j’ai décou­vert Adriân Villar Rojas. Son travail s’intitulait Today We Reboot The Planet. Les œuvres de ce plasticien revêtent un caractère organique. Ses ambiances sont presque apocalyptiques. Son regard est celui d’un archéologue imaginant comment les civilisations futures percevront notre génération. Non seulement l’idée est brillante, mais le résultat se révèle d’une grande beauté,

Mes goûts musicaux sont assez éclectiques. Le seule genre qui ne m’attire pas est le rap, que je ne trouve pas très musical. Les paroles dominent trop les morceaux, Tous les jours j’écoute de la musique de discothèque pour faire de la gymnastique. Je n’ai pas trouvé d’autre moyen d’être assidue! Lorsque j’ai envie de chanter, je pense tout de suite à une ballade d’Elton John que je trouve d’une grande douceur : Your Song. Un jour, alors que j’étais invitée sur un plateau de la télévision grecque, on m’a demandé de la chanter. Eh bien, je l’ai fait, et du début à la fin !

La Canadienne Alice Munro me touche beau­coup. Auteure de nouvelles, essentiellement, elle possède une grande maîtrise du tragique, et son style révèle une observation scrupuleuse des comportements humains. Sans chercher à faire pleurer son lectorat, elle le projette dans des récits amorcés de façon abrupte et le rend vulnérable, d’autant qu’elle ne laisse aucune forme d’espoir à ses person­nages. Dear Life est l’un de ses recueils les plus subtiles.

Je porte un regard très opti­miste sur l’existence et cela rejaillit sous ma plume. L’imagination et surtout la curiosité permettent de visiter toutes les époques de l’Histoire. Cela me passionne. Mes personnages principaux, générale­ment aux étapes charnières de leur vie, sont sur le point de faire une découverte sur le passé de leur famille et de leurs origines. Il est impossible de trouver le bonheur sans parve­nir, à un moment ou un autre, à une véritable compréhension de ce qu’ont vécu nos ancêtres.