Dernier tango à Grenade

Elle magazine Juillet LivresVictoria Hislop a tout d’une grande. La preuve avec ce troisième roman à succès

Critique paru chez Elle, juillet 2014

VICTORIA HISLOP est une  étrange auteure de best-sellers. Elle écrit par culpabilité. Parce qu’elle se sent une Occidentale privilégiée qui doit témoigner des souffrances du passé. En 2001, journaliste de tou­risme, spécialisée dans les reportages ensoleillés, elle a une révélation en Grèce. Sur l’île de Spinalonga, elle apprend qu’il y avait autrefois une léproserie. « J’ai éprouvé le besoin de comprendre les drames vécus sur cette terre. » Ce sera « L’Ile des oubliés », son premier roman, livre magis­tral et succès international qui fera d’elle une icône en Grèce. Pour son nouveau roman, les choses se sont passées de la même manière. En repor­tage à Grenade, en Espagne, pour un article sur le flamenco, elle tombe en arrêt devant la statue du poète Federico Garcia Lorca, assassiné par les fascistes en 1936. « J’ai eu une illumination. Je ne pouvais pas rester une touriste britannique jouissant du soleil et insensible au passé. Il fallait que je remonte le temps. Qu’aurais-je fait à la place des Espagnols pendant la guerre civile ? » Résultat : « Une dernière danse », un roman qui mêle avec sa maestria habituelle la petite histoire – un amour impossible – et la Grande Histoire – celle des hommes -, cruelle et impitoyable. La famille Ramfrez va se déchirer pendant la guerre d’Espagne, chacun des frères prenant parti pour un camp – républicains ou fascistes -, tandis que Mercedes, leur sœur, passionnée de flamenco, est séparée de celui qu’elle aime, un guitariste gitan. L’ensemble est remarquablement mené, avec un sens du tempo, du drame, de l’empathie, qui n’appartient qu’à elle. Et comme d’habitude chez Hislop, il y a un secret familial. « A 30 ans, j’ai moi-même appris que j’avais une sœur aînée, morte avant ma naissance à l’âge de 3 ans. Mes parents me l’avaient caché ! Cela a bouleversé ma vie. » L’écrivaine a compris pourquoi elle avait toujours eu l’impression d’être un peu étrangère à l’existence, elle qui ne se sent pas du tout an­glaise. Ainsi va Victoria Hislop qui tente de renouer le « fil des souvenirs » et qui ligote ses lecteurs au passage.